Les aventures d’un chasseur de plantes
Un article de Louis-Marie Blanchard issu du livre « L’aventure des Chasseurs de plantes » aux éditions Paulsen
« Le luxe d’une nuit passée sur un lit de branches de pin ne peut être apprécié que par ceux qui ont traversé la veille une vallée désertique, brûlée par le soleil, ou franchi auparavant d’épaisses forêts, à travers d’inextricables amas d’arbres morts et de rochers. Une fois, j’étais si épuisé que j’ai dû me traîner en rampant, pour atteindre une petite hutte abandonnée. »
Le terrain de David Douglas, c’est la forêt vierge du nord-ouest de l’Amérique du Nord, où des arbres gigantesques ont grandi et sont tombés pendant des siècles. Il marche, hache à la main, dans des futaies presque impénétrables où des pins gigantesques, véritables patriarches de 100 mètres de hauteur côtoient des groupes épais de jeunes arbres, luttant pour prendre la place de géants abattus.
Les arbres morts, empilés, forment des barrières de 2 mètres ; des troncs de cèdres, énormes, gisent à demi enterrés, recouverts de mousse. Partout c’est un mélange inextricable d’arbres vivants, d’arbres morts et d’arbres pourris, devant lesquels les chevaux, rebutés par tant d’obstacles, se cabrent puis s’élancent comme des fous à travers bois ; il faut alors les rattraper, les calmer, puis retrouver la trace des guides indiens qui, loin devant, ont continué leur route.
Aventurier – explorateur
En tant qu’explorateur et chasseur de plantes, David Douglas s’avère capable de surmonter toutes les épreuves, notamment bon nombre de bivouacs inconfortables dans des forêts humides :
« Mes provisions se limitaient à un peu de thé, de sucre et à quatre biscuits ; impossible d’attraper du poisson, mais je fus assez chanceux pour tuer un jeune aigle à tête blanche, qui me parut très bon à manger… Je fis un petit feu d’herbe, pour faire sécher mes vêtements, et m’allongeais dans l’herbe avec les pieds tout près du feu, mais je dus pourtant me relever quatre fois, au cours de la nuit, pour marcher, afin de me réchauffer. »
David Douglas (1799 – 1839)
Lors de sa troisième expédition, en canoë, il perd même la majeure partie de ses collections de graines et de plantes ainsi que ses précieux carnets de route.
Un chasseur de plantes autodidacte
Entre 1823 et 1830, Douglas mènera, à l’initiative de la Royal Horticultural Society, plusieurs missions de chasseur de plantes dans l’est des États-Unis et au Canada, d’où il rapportera de nombreux conifères. Notre homme est un naturaliste féru, non seulement de botanique et de zoologie, mais également de géographie et de géologie. Entré à 11 ans comme aide-jardinier au palais de Scone, il découvre la botanique auprès de son employeur, Sir Robert Preston, et se forme en lisant tout ce qu’il peut trouver sur le sujet dans la bibliothèque du baron. Il est d’abord employé au jardin botanique de l’université de Glasgow dirigé par William Jackson Hooker. Recommandé par ce dernier, il est donc envoyé, en 1823, par la Royal Horticultural Society pour récolter des végétaux en Amérique du Nord. Compte tenu de son succès, il y retourne en 1825.
« L’homme qui marche en ramassant des herbes »
Outre la chasse aux plantes pour la Société d’horticulture, il voyage pour le compte de la Compagnie de la baie d’Hudson et explore la région du fleuve Columbia. Les Indiens qui l’ont surnommé « L’Homme qui marche en ramassant des herbes », acceptent de le guider sur leur territoire, d’autant qu’il a pris la peine d’apprendre leur langue.
« Je suis arrivé sain et sauf à Fort Vancouver, après avoir parcouru près de 800 miles dans la vallée de la Columbia… je n’y ai rencontré personne d’autre que mes guides indiens… Mes amis ont eu du mal à me reconnaître, et nul doute que sous mon vieux chapeau, mon visage dévasté avait l’apparence de quelqu’un qui a vu la mort de près. »
David Douglas (1799 – 1839)
Douglas retournera une nouvelle fois au Canada en 1830, mais les guerres indiennes l’incitent à changer de région et il passe les trois années suivantes à herboriser en Californie et à Hawaï.
Plus de 7000 plantes découvertes, dont le fameux « pin Douglas »
Ses découvertes botaniques se chiffrent à plus de sept mille plantes, notamment le pin à sucre (Pinus lambertiana), dont les Peaux-Rouges mâchent les graines comme du chewing-gum, et un autre pin portant en latin le nom de son illustre collègue Menzies, Pseudotsuga menziensii, plus connu aujourd’hui sous le nom de pin de Douglas :
« Il dépasse tous les autres arbres par sa magnitude. J’en ai mesuré un qui gisait sur la rive du fleuve, et qui faisait 39 pieds de circonférence et 159 pieds de long. Il manquait le haut, j’estime donc qu’il devait mesurer au total 190 pieds de hauteur. »
David Douglas (1799 – 1839)
Il faut également citer, parmi ses découvertes, nombre de chênes, arbustes, bulbes et plantes vivaces ; il est en effet celui qui a introduit le plus de plantes indigènes d’Amérique du Nord en Europe. Sa brillante carrière de chasseur de plantes se terminera tragiquement sur l’île d’Hawaï : tombé dans un piège à bœufs sauvages, il meurt écorné, à l’âge de 35 ans. La légende raconte que suite à sa liaison avec une indigène, le mari jaloux l’aurait poussé dans la fosse…
Trois plantes hawaïennes portent le nom de Douglas : Pandanus douglasii, Styphelia douglasii, Marattia douglasii.
Louis-Marie Blanchard, extrait du livre de l’auteur : L’aventure des chasseurs de plantes, Editions Paulsen